Depuis plus de 30 ans, la pêche de nuit de la carpe est autorisée sur le lac du Salagou dans le département de L'Hérault. L'évolution des pratiques n'a pas (ou très peu) été suivie par une adaptation de la réglementation ce qui par la force des choses engendre de nombreux problèmes et moults questions.
Pourquoi les carpistes ont-ils le droit de pêcher de nuit et pas les autres pêcheurs ?
Les carpistes ont-ils un passe-droit pour camper alors que c'est interdit pour tout le monde ?
La pêche de nuit est-elle vraiment nécessaire pour attraper des carpes ?
La présence sur de longues durées de pêcheurs gêne-t-elle la faune ?
Qui contrôle et qui surveille ces pêcheurs de jour ou de nuit ?
La pêche de nuit (et donc aussi de jour) entraîne-t-elle des conflits d'usage avec les autres utilisateurs du lac ?
Les carpistes sont-ils tous irréprochables et respectueux du site et des poissons ?
Liste non exhaustive des questions que beaucoup de gens se posent, et qui pour la plupart n'ont de réponses que par leurs principaux intéressés.
Constat en 2024
Tout les visiteurs du lac voient depuis de nombreuses années ces petits campements tout autour du lac. C'est vrai que 2 ou 3 tentes avec quelques cannes à pêche par-ci par-là ne gênent pas grand monde.
Dans les années 90, un pêcheur local ou limitrophe qui allait pratiquer la pêche de nuit à la carpe ne restait pas longtemps, une nuit ou 2 lors d'un week-end, ou quelques jours voir une semaine pour les plus coriaces et surtout fortunés d'entre eux, les prix du matériel et des appâts étaient encore très chers et la mode du carp-fishing débutait timidement.
A cette époque, on dormait dans la voiture, les cannes tendues non loin. Le but était plus de passer un bon moment au bord de l'eau entre amis passionnés que d'avoir un résultat probant.
En 2024 les choses ont beaucoup évoluées. Le lac (et ses carpes) est connu dans toute l'Europe. Les pêcheurs viennent de loin, Angleterre, Allemagne, Hollande, Espagne, Pays de l'Est, et bien sûr de toute la France. Le but n'est plus le même, il n'est plus question de sortir une carpe mais d'en faire le maximum et surtout une grosse, ce qui implique une débauche de moyens inimaginables pour le commun des pêcheurs des années 90.
Les grandes marques sont très bien distribuées et le coût du loisir a baissé drastiquement, rendant presque accessible à tous les joies de la pêche de la carpe.
On pêchait (et on le peux encore) avec 10 kilos de matériel plus la glacière, maintenant c'est au minimum une voiture pleine, et il n'est pas rare de voir des véhicules de 3t5 remplies et des durées de pêche d'une semaine minimum jusqu'à 2 mois pour certains...
On voit souvent des trains de zodiaques chargés de matériel parcourir le lac en quête d'un poste confortable. Impossible de porter tout le matos à dos d'homme, il faut DES bateaux, même pour un seul pêcheur.
La durée de pêche et la quantité de matériel embarqués sont en corrélation tout comme l'obligation de résultat, car lorsque l'on dépense des milliers d'euros dans son matériel et quand on vient pêcher au lac, il faut rentabiliser tout ça. Quand on jette dans l'eau 200 kilos d'appâts à 10 euros le kilo, on est obligé de rester le plus longtemps possible, et quand on a fait 1500 KM pour venir on va pas rester 2 nuits, c'est assez logique et compréhensible.
Carpisme no-limit
Le manque d'encadrement est omniprésent. Si dans beaucoup de pays et autres départements la pêche de nuit et soit encadrée soit interdite, sur le lac du Salagou chacun fait comme il veut, (avec une carte de pêche à 85 euros), pas de surveillance spécifique, une réglementions aussi légère que possible, on laisse faire, depuis toujours c'est peut-être dû à la bonne réputation des carpistes qui sont "en général" très appliqués et respectueux.
Là ou ça cloche
Ainsi il est autorisé (toléré ?) de camper pour les carpistes là ou c'est interdit pour tout le monde.
Lorsqu'un jeune étudiant local va camper sous sa guitoune décath avec sa copine il se fera éjecter (avec un beau papillon en prime) alors que les 3 pêcheurs suréquipés pourront occuper une crique pendant 3 semaines sans aucun souci, (l') égalité ?
Pas de limite dans la durée des séjours de pêche, pas de limite à la quantité de matériel, pas de limite à la quantité d'appâts jetés a l'eau, pas de nombre limite de tentes, barnums , zodiaques etc...
Toute l'année c'est ouvert H24 sauf 1 mois en mai pour ne par interférer avec l'ouverture de la pêche au brochet, preuve que quelque part on ne peut mélanger carpisme et autres pêcheurs ?
Les carpistes ne sont soumis à aucune limite, si ce n'est de ne pas tendre leurs lignes trop loin pour ne pas déranger les autres utilisateurs, règle stupide, peu suivie et inutile la nuit car il n'y a alors que des carpistes au bord et sur l'eau...
Conflits d'usages avec les autres utilisateurs du lac ?
La nuit certainement pas, ils sont les seuls à être présents (hors saison), profitant du site comme aucun autre, ils sont les pêcheurs privilégiés, ils pratiquent leur passion seuls et sans témoins, ce qui peut laisser imaginer le meilleur comme le pire.
Combien de pêcheurs de carnassiers ont déjà attrapé une ligne de carpiste ? si souvent cela se passe bien, il arrive que le ton monte, les lignes tendues à 400 du bord en éventail forme un espace de quelques hectares où les autres pêcheurs ne sont pas bienvenus. Tout comme les autres utilisateurs qui ne peuvent cerner cet espace que s'approprient les pêcheurs de carpes, et ce n'est pas les 4 marqueurs dans l'eau qui changent quelque chose, l'espace entre le pêcheur et son montage ne lui appartient pas.
Les conflits sont nombreux, impossible de faire une liste mais avec un demi-million de visiteurs, on peut se douter que tout n'est pas rose sur le grand rouge...
Pourquoi autant de monde au bord de l'eau ?
Le manque de réglementation, la permissivité des autorités, la volonté de ne pas faire de "bruit" sur ce sujet, et surtout l'inverse dans les autres pays, en Allemagne par exemple il faut une carte de pêche beaucoup plus chère, pour chaque lac, les contrôles sont plus nombreux et les sanctions sont lourdes pour les contrevenants, alors où aller ?
Un autre lac mythique de la pêche de la carpe dans le sud de la France est fermé à la pêche de nuit à cause des abus, c'est donc quelques passionnés en plus sur le Salagou...
Le respect basique.
Les carpistes sont en général très attentifs à ne pas souiller le site. Ils font place nette, ramassent leurs déchets (et ceux des autres), font attention à ne pas blesser leurs prises et même certains désinfectent les éventuelles meurtrissures provoquées par l'hameçon, ce qui ne se fait pas chez les autres pêcheurs.
Le stationnement anarchique est en voie de régulation, mais le niveau du lac baisse et des accès se dévoilent...
Convoitise...
L'introduction de carpes à rapide grossissement fait que les poissons de 30 kg sont maintenant très nombreux et attisent la convoitise de milliers de carpistes à travers toute l'Europe qui voient dans le Salagou le moyen de réaliser un rêve, facilement et sans trop de contraintes si ce n'est le coût du déplacement et des appâts jetés à l'eau.
Le lac du Salagou se prête bien à la pratique de nuit, entièrement accessible par bateau et même à pied, presque l'ensemble de ses berges (30 km) est pêchable du bord.
Les carpistes sont de grands enfants !
Le manque d'encadrement depuis toujours a ouvert la voie vers un lac libre, cela en est maintenant sa faiblesse. Les données ont changé mais pas la liberté, celle dont profitent des privilégiés qui auraient bien tort de s'en priver.
Comment faire confiance aveuglément à des pêcheurs passionnés qui investissent presque tous leurs moyens pour pêcher la carpe de leurs rêves ?
Comme nous l'avons vu précédemment la grande liberté dont jouissent les carpistes n'est pas vraiment de leur côté en matière de respect du site et de sa réglementation.
Le manque de limites agit comme sur des enfants, en gros "si c'est pas interdit c'est donc autorisé". On peut continuer même si c'est hors règlement (et bien sûr si le règlement est totalement hors cadre et irréaliste), alors pourquoi ne pas abuser ? De toute façon c'est légal, encore une fois ils ont raison d'en profiter.
La liste courte
Parmi les infractions (et les suspicions) les plus souvent observées, on trouve :
-toutes celles des autres utilisateurs, feu et chiens en divagation, par exemple, (mais c'est un autre sujet)
-Le camping sauvage (qui se chiffre en milliers de nuitées) avec la possibilité de jouer sur les mots avec le fait que le biwi (tente de carpiste) n'a pas de partie au sol.
-Lignes tendues trop loin, prévu à 80m (règlement vraiment étrange) elles sont souvent plus dans les 200 m voir 400 m et plus (quid de la sécurité du poisson ?)
-Groupes électrogènes pour le confort électrique (moteurs thermiques interdits sur le site ou pas ?)
-Le sac de conservation : un poisson pris de nuit sera conservé pour faire une photo de jour totalement interdit partout, mais très pratiqué la preuve est que les photos de prise de carpes au Salagou de nuit sont très rares.... Une pratique qui peut blesser le poisson, en tous cas il est stressé pendant des heures, et certains vont jusqu'à garder les poissons plusieurs jours pour faire une photo de plusieurs prises à la fois.
-En de rares occasions il a été observé des carpistes qui pêchent le carnassier ou le silure de nuit au vif ou au leurre.
-Non respect de la fermeture de la pêche de nuit par certains carpistes au mois de mai, observé par plusieurs personnes.
-Des braconniers se mêlent aux carpistes pour pêcher le sandre et le silure au vif de nuit. Avec une population de silure qui explose, le futur de la pêche de nuit devra être surveillé rigoureusement par des professionnels.
-Pêche de nuit toute l'année sur le lac d'Avène, le barrage des Olivettes, le fleuve Hérault de manière totalement illégale et impunie, ce qui prouve le laisser-aller, le manque de rigueur et le désintérêt volontaire sur ces sujets dans le département de l'Hérault.
Dark side bag
Le sac de conservation peut conduire au trafic de carpes. Certains poissons vivants sont vendus des milliers d'euro, mais ce trafic est très secret on le mettra dans le sac noir du silence volontaire.
-Le "tour opérator" : il s'agit de personnes qui vont faire payer d'autres pêcheurs pour avoir le bon emplacement au bon moment, c'est à dire qu'un pêcheur ou un "organisateur" va rester sur son poste (déjà réservé par un autre) jusqu'au moment ou le suivant arrive, on se retrouve donc avec des postes occupés pendant des mois, cela existe ailleurs mais aucune preuve sur le Salagou.
Le cœur du problème
Si les autorités compétentes ne font presque rien pour tenter de restaurer un semblant d'ordre au bord de l'eau c'est qu'elles ont leurs raisons, le lobby de la pêche semble plus puissant qu'elles.
Une volonté politique d'omerta prend le dessus sur la réglementation pourtant très claire, pas de gardes, (sauf des gardes pêche qui on des prérogatives très limitées) pas de PV , pas de soucis...
Pour le moment personne n'a pu créer une dynamique de respect et de partage des berges du lac, tout est donné aux carpistes, alors que rien n'est clairement organisé.
Que faire ?
Le carp-fishing sur le Salagou est une passion sur la sellette. L'interdire serait trop facile et prouverait que tous les intéressés locaux ont volontairement laissés la situation se dégrader pour arriver au point de non retour ?
La pêche de la carpe est une richesse sur ce lac, si elle était correctement gérée, elle serait un atout de plus pour le Grand Site et contribuerait à faire la promotion internationale de ce lieu remarquable.
Des emplois pourraient être créés pour surveiller, aider, guider, encadrer la pratique, tout autant que les distributeurs/vendeurs de matériel pourraient continuer de compter sur l'attractivité du lac avec les pêcheurs européens.
Au niveau national, le carp-fishing pèse des millions d'euros et génère beaucoup d'emplois. La fabrication d'appâts et matériels divers spécifiques crée une foule de petite entreprises, donc de la richesse.
Il y a des exemples qui fonctionnent en France !
Sur d'autre lacs français, les problèmes ont été identifiés, les règlements adaptés et cela se ressent au bord de l'eau.
Voici quelques idées mises en place sur d'autres grands lacs et dans d'autres départements pour réguler l'afflux des passionnés de la pêche de la carpe.
-Tout carpiste restant sur site plus d'une nuit devra se signaler en amont à l'AAPPMA locale ou à la FD histoire de savoir qui est là où et quand, (en cas de problèmes on saura à qui s'adresser...)
-Durée de séjour limité dans le temps.
-Création de secteurs hors pêche de nuit pour ne pas créer de conflit d'usage (baigneurs, véliplanchistes, kite-surfeurs, pêcheurs diurnes du bord etc ..)
-Création de postes de pêche identifiés et numérotés vers lesquels sont dirigés les pêcheurs, et ainsi rendant leur surveillance plus aisée et aussi éviter que des postes soient occupés pendant des mois.
-Quantité de matériel limité, pour ne pas avoir de gros campements et donc d'abus dans la durée et dans l'occupation de l'espace naturel. (1bateau et 1 biwi par pêcheur par exemple)
Il y a beaucoup d'autres idées mais encore faut-il une volonté politique concrète pour changer les choses.
Au boulot !
Il faut créer des emplois pour surveiller (de jour comme de nuit).
Il faut que ces emplois soient assortis des formation adéquates pour pouvoir contrôler et agir légalement.
Ainsi, un garde-pêche ne peut pas contrôler autre chose que ce qui est purement basé sur la pêche, ASVP, police, gendarmes et les gardes environnement peuvent intervenir sur beaucoup d'autres domaines.
Il faudra des réunions, écouter tout le monde, faire des compromis, étudier et monter des projets logiques bien écrits, de la bonne volonté, du travail, de l'argent, et des élus à l'écoute.
Solutionner autant de paramètres ne sera pas chose aisée, surtout que la pression se fait de plus en forte.
Mais si cela a été fait ailleurs, pourquoi ne pourrions-nous pas le faire sur ce si beau lac ?
Enfin, si personne ne veut organiser la pêche de la carpe au lac du Salagou, il sera temps de prendre des décisions car le mécontentement et le colère montent chez les locaux, chez les élus, chez les pêcheurs classiques qui, dans leur bon droit, rappellent en cœur le cadre légal.
La carte de pêche ne donne pas le droit d'oublier la réglementation du grand site, à moins que celle-ci ne soit pas valable pour tout le monde, dans ce cas il faudra l'écrire noir sur blanc et le faire signer par tous les élus, le département et la préfecture.
Texte et photos Philippe carrière président de l'association Loi 1091 Animagou "Promotion et protection des milieux aquatique d'eau douce"
Bonjour Philippe,
Ton article est bien fait par le contenu de ses analyses. Le véritable problème, d'après moi, réside dans la volonté d'agir ou... de ne pas agir. Or les 5 dernières décennies ont démontré que les seules ambitions des élus de la pêche n'a été que le gestion de leurs propres ambitions. Et comme ils n'ont jamais eu de véritables autres ambitions que vendre des cartes en balançant des truites ARC dans l'eau afin de financer leurs gueuletons quand ce n'était pas pire encore, comme j'ai eu l'honneur de le dénoncer il n'y a pas si longtemps, le résultat aujourd'hui constaté est parfaitement logique !!!
Quel travail !!ton dossier Tu as bien raison le cadre c est les élus les locaux et la fédération de l Herault à taper sur la table, ils le ont droit de demander enfin un règlement carré.. la cupidité des pêcheurs, avec leurs prises prises sur x jours avec des carpes prises pour des beafteaks !! Les pêcheurs européens doivent se mettre au parfum .,les photos de gros bras de carpes ,, à n importe que prix , ces kilos d’amorce de dingue ? Ce trafic c est plus de la pêche , c est du business !!! , des remorques de matériel du fric 💰 à la pelle .., c est la carpe,, la nuit les chats son …